L'Allemagne: Un conte d'hiver

Caput IX

Text by Heinrich Heine (1797-1856)
traduit en français par Joseph Massaad

deutsch - english

Avant-propos| Adieu | I | II | III | IV | V | VI | VII | VIII | IX | X | XI | XII | XIII | XIV | XV
XVI | XVII | XVIII | XIX | XX | XXI | XXII | XXIII | XXIV | XXV | XXVI | XXVII

Je quittai Cologne et repris mon chemin
À huit heures moins le quart du matin,
Vers trois heures, j’arrivai à Hagen, déjà,
C'est alors qu'on nous servit un repas.

La table était préparée; là je vis
La vielle cuisine germanique.
Je te salue, ma bonne choucroute,
Ton gracieux parfum est magnifique.

Des châtaignes braisées dans du charbon vert!
J'en ai mangé, jadis, de pareilles chez ma mère!
Je vous salue, morues sèches du pays,
Vous nagez si adroitement dans le beurre!

La patrie demeure éternellement chère
À tous les cœurs qui restent chaleureux.
J'aime aussi, bien bruni en daube,
Du hareng fumé et des oeufs.

Ah, comme les saucisses jubilent dans le gras!
Les grives, ces doux angelots rôtis
Dans de la mousse de pommes,
Me gazouillent: « Sois le bienvenu ici! »

« Bienvenue compatriote », gazouillèrent-elles.
«  Tu t’es absenté à l’étranger
Bien longtemps, à vagabonder de plus belle,
Avec des oiseaux que personne ne connaît! »

Une oie se tenait à la table,
Un être calme, bien à l'aise, décontracté;
Elle m'a peut-être aimé, jadis,
Alors que nous étions encore deux jeunets.

Elle me lança un regard plein de sens,
Si fervent, si fidèle, si douloureux, hélas!
Elle possédait sûrement une belle âme,
Mais sa chaire était des plus coriaces.

On apporta aussi une tête de cochon
Sur un plateau en étain;
Chez nous, on décore toujours les cochons
Avec des feuilles de laurier sur le groin.

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