Une pluie fine
tombe et picote, glacée,
Comme des pointes d'aiguilles de couture.
Les chevaux remuent tristement la queue,
Ils pataugent dans la boue et transpirent.
Le postillon souffle dans sa corne,
Je connais le refrain de la balade:
« Trois cavaliers chevauchent hors du portail ! »
Mon état d'âme devient maussade.
Je tombai de sommeil et m'endormis,
Et voyez! Je finis par rêver
Que j'étais dans la montagne magique,
De l'empereur Barberousse, accompagné.
Il n'était plus assis sur sa chaise de pierre,
À la table de pierre, comme une statue de pierre.
Aussi, il n'avait pas le même air vénérable,
Que l'on s'imagine de lui, d'ordinaire.
Il dandina avec moi à travers la salle,
En bavardant d'une intime manière.
Il me montra ses curiosités et ses trésors,
Comme le ferait un antiquaire.
Dans la salle des armes il pris une massue,
Et m'expliqua comment la manier.
Il essuya avec son hermine,
La rouille de quelques épées.
Il s'empara d'un époussetoir,
Et épousseta maints
Heaumes, maints harnais,
Et aussi maints casques à pointes.
Il épousseta aussi l'étendard et proclama:
« Ma plus grande fierté consiste en cela,
Qu'aucune mite n'a encore bouffé la soie,
Et aussi qu'il n'y a pas de vers dans le bois. »
Et comme nous arrivâmes dans la salle
Où étaient étendus, en train de dormir,
Plusieurs milliers de soldats, prêts au combat,
Le vieux proclama avec plaisir:
« Afin de ne pas réveiller les hommes,
Il nous faudra plus doucement marcher et parler;
Un autre siècle s'est de nouveau écoulé,
Et je dois aujourd'hui même les payer. »
Et voyez! L'empereur s'approche
Doucement des soldats endormis,
Et remet à chacun dans la poche
Un ducat, furtivement, sans bruit.
Avec un sourire complaisant au visage,
Il parla, tandis que je le regardai étonné:
« Je verse un ducat à chaque homme,
Comme solde, dès qu'un siècle s'est écoulé. »
Dans la salle où les chevaux se tiennent
Silencieux, en longues queues,
L'empereur se frotta les mains,
Et parut étrangement heureux.
Il compta, une à une, toutes les bêtes,
Et leur tapota les côtes;
Il compta et compta et ses lèvres
Bougèrent avec anxiété et hâte:
« Ce n'est pas encore le bon nombre »
Dit-il finalement contrarié.
« J'ai suffisamment de soldats et d'armes,
Ce sont les chevaux qui vont manquer.
J'ai envoyé à travers le monde entier
Des acheteurs de chevaux,
Afin de m'en acheter les meilleurs;
J'en ai déjà un tas, bien beau.
J'attend que le nombre soit complet,
Je me déchaîne alors pour libérer
Ma patrie et mon peuple Allemand
Qui m'attend avec loyauté. »
L'empereur parla ainsi, je répliquai:
« Déchaîne-toi, vieux compagnon,
Déchaîne-toi, et si tu n'as pas assez de chevaux,
Utilise des ânes, en compensation. »
Barberousse répliqua en riant:
« Il ne faut pas s'empresser de guerroyer,
Rome ne fut pas bâtie en un jour,
Et, pour mieux sauter, il faut reculer.
Qui n'arrive pas aujourd'hui, arrivera demain,
Le chêne ne pousse pas du jour au lendemain,
Et, chi va piano va sano, comme dit
Le proverbe de l'empire romain. »