Un vent
mouillé, un pays austère,
La voiture cahote dans la terre;
Pourtant, une voie chante et résonne dans mon âme:
« Soleil accusateur, ô flamme! »
C'est là le refrain de la vieille chanson
Que ma nourrice chantait parfois.
« Soleil, ô flamme accusatrice! »
Cela résonne comme un cor dans le bois.
Dans la chanson, il est question d'un assassin,
Qui jouit des joies, des plaisirs de la vie.
On le retrouve pendu, à la fin,
Au bois, dans un saule gris.
Sur le tronc de l'arbre est cloué
L'acte d'accusation qui le condamne;
Les vengeurs de la Sainte Vehme l'ont puni.
« Soleil accusateur, ô flamme ! »
Le soleil était l'accusateur
Et avait obtenu justice.
Odile, en mourant avait crié:
« Soleil, ô flamme accusatrice! »
Et quand je pense à la chanson, je pense aussi
À la chère vieille nourrice; devant mes yeux,
Son visage halé réapparaît,
Avec toutes ses rides et tous ses creux.
Elle était née au pays de Münster,
Et connaissait, en nombre légionnaire,
D'horribles histoires de fantômes,
Des contes et des chants populaires.
Comme mon cur battait quand la vieille
De la fille du roi, nous parlait,
Qui, assise solitaire, dans la bruyère,
Peignait ses cheveux dorés .
Elle devait y garder les oies,
En tant que servante, et un soir,
Alors qu'elle leur faisait traverser la porte,
Elle s'arrêta, elle était si triste à voir,
Car elle vit, clouée à la porte,
Se dressant, une tête de coursier,
C'était la tête du pauvre cheval
Qui l'avait menée à l'étranger.
La fille du roi soupira profondément
« Ô Falada, que tu pendes ici! »
La tête du cheval répondit, vers le bas;
« Quel malheur que tu sois partie! »
La fille du roi soupira profondément:
« Ah, si ma mère le savait! »
La tête du cheval répondit, vers le bas:
« Son cur alors se romprait! »
Et je retenais mon haleine et écoutait
Quand la vieille, à voie grave et douce,
Parlait de notre mystérieux empereur,
De l'empereur Barberousse.
Elle m'assurait qu'il n'est pas mort,
Comme les savants le proclament.
Il reste caché au fond d'un mont,
Avec ses compagnons d'armes.
Ce mont s'appelle Kiffhäuser,
À l'intérieur se trouve une grotte;
Les flambeaux jettent une lueur spectrale
Dans les salles aux voûtes hautes.
La première salle est une écurie royale
Et on peut y discerner, par milliers,
Des chevaux, immobiles devant leurs crèches,
Avec leurs scintillants harnais.
Ils sont là, sellés et bridés,
Mais pas un seul cheval,
Ne hennit, ni ne piaffe. Ils sont
Aussi immobiles qu'une coulée de métal.
Dans la seconde salle, on voit
Sur la paille des soldats étendus,
Des milliers de soldats barbus,
Aux traits belliqueux et défiants, à la fois.
Ils sont armés des pieds à la tête,
Pourtant aucun des braves de cette armée
Ne se déplace, ni même ne bouge,
Ils dorment, ils sont figés.
Dans la troisième salle, se trouvent,
Hautement empilés, des épées, des harnais,
Des haches, d'anciennes armes à feu franques,
Des lances, des casques d'argent et d'acier.
Très peu de canons, pourtant assez,
Pour pouvoir bâtir un trophée.
Bien haut, là-dessus flotte un étendard,
Aux couleurs or, rouge et noir.
L'empereur habite la quatrième salle.
Depuis de longs siècles, déjà,
Sur un siège en pierre, à une table en pierre,
Il reste, la tête posée sur les bras.
Sa barbe, qui arrive jusqu'au sol
Est rouge comme des flammes qui brillent.
Parfois, il clignote de l'il.
Parfois, il fronce les sourcils
Dort-il, ou bien médite-t-il?
Personne ne peut le déterminer.
Mais, quand la bonne heure sonne,
Il saura, vigoureusement, se secouer.
Alors, il saisira son vieil étendard,
Et criera : « À cheval! à cheval! »
Son peuple géant s'éveillera et jaillira de terre,
Avec un cliquetis d'armes infernal.
Chacun sautera à cheval,
Les chevaux henniront, piafferont!
Ils chevaucheront dans un monde qui cliquette,
Et les trompettes sonneront.
Ayant tant et si bien dormi,
Ils chevauchent bien, se battent bien.
L'empereur tient un lit de justice,
Il veut châtier les assassins.
Les assassins qui tuèrent
La vierge aux boucles d'or, jadis,
La merveilleuse Germania, si chère!
« Soleil, ô flamme accusatrice! »
Plus d'un qui se croit caché,
Et qui ricane en son château, se leurre.
Il n'échappera pas à la corde vengeresse
De Barberousse, ni à sa fureur.
Comme ils résonnent agréables et doux,
Les contes de ma vieille nourrice!
Mon cur superstitieux jubile:
« Soleil, ô flamme accusatrice! »