L'Allemagne: Un conte d'hiver

Caput XII

Text by Heinrich Heine (1797-1856)
traduit en français par Joseph Massaad

deutsch - english

Avant-propos| Adieu | I | II | III | IV | V | VI | VII | VIII | IX| X | XI | XII | XIII | XIV | XV
XVI | XVII | XVIII | XIX | XX | XXI | XXII | XXIII | XXIV | XXV | XXVI | XXVII

La voiture clopine la nuit dans la forêt.
Une roue se détache et dégringole
Avec fracas. On s'arrête.
Ce n'est pas très drôle.

Le postillon descend et se dépêche
Vers le village, et je reste vers minuit
Tout seul dans la forêt.
Un hurlement, tout autour, retentit.

Ce sont les loups, ils hurlent sauvagement,
Avec une voix d'affamés;
Leurs yeux enflammés luisent
Comme des lumières dans l'obscurité.

Les bêtes eurent sûrement vent
De ma présence, et pour m'honorer,
Ils chantèrent en chœur
Et illuminèrent la forêt.

Je remarquai, à présent, que c'était
Une situation qu'il fallait fêter!
Je bombai immédiatement le torse
Et parlai avec des gestes affectés:

« Ô loups, mes chers frères, je suis heureux
De me retrouver parmi vous ce jour,
Où tant de nobles âmes,
M'accueillent avec des hurlements d'amour.

Ce que je ressens en ce moment
Est incommensurable.
Ah! Ce beau moment me restera
Éternellement inoubliable.

Je vous remercie pour la confiance,
Avec laquelle vous m'honorez,
Et que vous maintenez dans chaque épreuve,
Avec des démonstrations de sincérité.

Mes chers frères loups! Ne doutez jamais de moi.
Ne vous laissez pas berner par des coquins
Qui pourraient vous avoir dit,
Que j'ai pris le parti des chiens,

Que je suis un révolté et que les agneaux
M'auront, sous peu, comme conseiller.
Contredire une chose pareille,
Serait en dessous de ma dignité.

Et si, pour me réchauffer,
Je porte parfois une toison,
Croyez-moi, cela ne m'a jamais poussé
À m'exalter pour les moutons.

Je ne suis ni mouton ni chien,
Ni conseiller, ni aiglefin; j'avoue
Que je suis resté loup: mon cœur,
Et même mes dents, sont loups.

Je suis un loup, et avec les loups,
Je vais toujours hurler de vive voix.
Oui, comptez sur moi et aidez-vous,
Ensuite, Dieu aussi vous aidera. »

Ce fut le discours que je tint,
Sans l'avoir, au préalable, préparé;
Et c'est dans le « Journal Général »
Que Kolb l'imprima, après l'avoir tronqué.

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