L'Allemagne: Un conte d'hiver

Caput XI

Text by Heinrich Heine (1797-1856)
traduit en français par Joseph Massaad

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Avant-propos| Adieu | I | II | III | IV | V | VI | VII | VIII | IX| X | XI | XII | XIII | XIV | XV
XVI | XVII | XVIII | XIX | XX | XXI | XXII | XXIII | XXIV | XXV | XXVI | XXVII

Ici, c'est la forêt de Teutobourg,
Détaillée pour nous par Tacitus.
Ici, c'est la bourbe bien connue,
Dans laquelle s'est enlisé Varus.

C'est ici que le prince chérusque
Hermann, le noble héros l'a battu;
Et c'est bien dans cette crasse
Que la nationalité allemande a vaincu.

Si Hermann n'avait pas gagné la bataille,
Avec sa horde de blondins,
Il n'y aurait plus eu de liberté en Allemagne,
Nous serions tous devenus Romains!

Dans notre patrie, la langue et les coutumes,
Seraient devenues romaines, très vite;
À Munich, il y aurait même eu des vestales,
Et les Souabes s'appelleraient quirites!

Hengstenberg deviendrait un aruspier
Et ruminerait dans les entrailles des taureaux.
Neander deviendrait une augure,
Qui observerait le rassemblement des oiseaux.

Birch-Pfeiffer boirait de la térébenthine,
Comme autrefois les dames de Rome.
( On dit que, par ce moyen, l'urine
Obtient un agréable arôme )

Raumer ne serait pas une crapule allemande,
Il serait romain, nommé crapulus.
Freiligrath composerait sa poésie sans rimes,
Comme auparavant, Flaccus Horatius.

Le grossier mendiant, le père Jahn,
Se nommerait alors grossius;
Mon Hercules! Maßmann parlerait latin,
Le Marcus Tillius Maßmanus!

À présent, les amis de la liberté se battraient
Contre des lions, des hyènes des chacals,
Dans l'arène, au lieu de le faire
Contre des chiens dans un petit journal.

À présent, nous aurions un Néron,
À la place, comme représentants, des trois douzaines;
Et comme défi au bourreau de la servitude,
Nous nous entaillerons nos propres veines.

Schelling serait devenu Seneca,
Et aurait péri, dans un pareil conflit.
« Cacatum non est pictum »
Est ce qu'à notre Cornelius nous aurions dit.

Dieu soit loué! Hermann gagna la bataille,
Et les Romains furent chassés.
Varus périt avec ses légions,
Et Allemands, nous le sommes restés!

Nous sommes restés Allemands, parlons allemand,
Comme nous l'avons toujours parlé.
L'âne se nomme âne, et non asinus,
Tout comme les Souabes, qui Souabes sont restés.

Rauber est resté une crapule allemande
Dans notre Nord, bien en place.
Et Freiligrath compose en rimes,
Et ne s'est pas transformé en Horace.

Dieu soit loué! Maßmann ne parle pas latin,
Birch-Pfeiffer n'écrit que des drames,
Et ne boit pas de la térébenthine,
Comme à Rome, les galantes dames.

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