L'Allemagne: Un conte d'hiver

L'adieu à Paris

Text by Heinrich Heine (1797-1856)
traduit en français par Joseph Massaad

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Adieu, Paris, ma chère ville,
Aujourd'hui, je dois partir.
Je te laisse en abondance
De joies et de plaisirs.

Le cœur allemand dans ma poitrine
Souffre d'une soudaine maladie.
Le seul médecin qui puisse le guérir
Habite au nord, dans mon pays.

Il le guérira en un rien de temps,
Tout le monde vante ses cures;
Pourtant, je reconnais frémir déjà,
À l'idée de ses rudes mixtures.

Adieu, Français, mes joyeux frères,
Adieu, adieu, peuple si gai.
Une nostalgie insensée me pousse,
Mais très bientôt je reviendrai.

Pensez! Avec peine, je m'ennuie
Du parfum de la tourbe et des bien-aimés
Moutons de la lande de Lunebourg,
De la choucroute et du navet.

Je m'ennuie de la fumée de tabac,
Des conseillers de cour, des veilleurs de nuit,
Du bas-allemand, du pain noir, de la grossièreté,
Des filles blondes de pasteur, aussi.

Je m'ennuie de ma mère,
Je l'avoue bien franchement,
Je n'ai plu revu la vieille dame,
Depuis treize ans maintenant

Adieu, ma femme, ma femme si belle,
Tu ne peux comprendre ma peine.
Je te presse fort sur mon cœur,
Et je dois te quitter, quand même.

Une peine ardente me pousse
Loin du plus doux bonheur.
Il me faut respirer l'air allemand,
Sinon, j'étouffe sur l'heure.

La peine, l'angoisse, la violence
Me pénètrent en spasmes violents.
Mon pied tremble d'impatience
De fouler le sol allemand.

Je rentrerai de mon voyage en Allemagne
Vers la fin de l'année, ou même avant.
Je pense guérir et pouvoir t'offrir
Le plus beau cadeau pour le nouvel an.

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