L'Allemagne: Un conte d'hiver

Caput III

Text by Heinrich Heine (1797-1856)
traduit en français par Joseph Massaad

deutsch - english

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À Aix-la-Chapelle, dans la cathédrale,
Gît Charlemagne dans sa tombe.
( À ne pas confondre avec Charles
Myers, qui vit en Souabe. )

Je ne voudrais pas être mort et enterré
À Aix, dans la cathédrale, comme empereur;
Je préfère bien mieux vivre, en petit poète,
À Stuttgart, au bord du Neckar.

À Aix, les chiens s'ennuient dans la rue;
Ils nous implorent, on ne peut plus soumis:
« Donne-nous un coup de pied, étranger,
On pourrait, peut-être, se distraire ainsi. »

J 'ai flâné une bonne petite heure
Dans ce trou, fait pour s'ennuyer.
J'y ai revu le Prussien militaire,
Qui m'a paru très peu changé.

Ce sont toujours les manteaux gris,
Avec leurs cols rouges, relevés.
( Körner chantait autrefois
Que rouge veut dire sang français )

Toujours le même peuple, pédant, figé,
Faisant toujours le même angle droit
À chaque geste, et au visage,
La même morgue, le même froid.

Ils marchent toujours aussi raides
Que des cierges, toujours guindés,
Comme s'ils avaient avalé
Le bâton qui, jadis, les corrigeait.

Ah! La trique existe toujours,
Mais on la porte à l'intérieur, tout comme
Le familier tutoiement
Se souvient de la troisième personne.

La longue moustache est simplement,
De la tresse, un épisode nouveau:
La queue leur pend sous le nez,
Au lieu de pendre sur leur dos.

Le nouveau costume ne m'a pas déplu.
Je dois faire l'éloge du chevalier,
Surtout à cause de son casque de cuir,
Avec, vers le haut, sa pointe d'acier.

C'est si chevaleresque, et rappelle
La gracieuse ère romantique,
La châtelaine Jeanne de Montfaucon,
Et les barons Fouqué, Uhland et Tieck.

Cela rappelle, si joliment, le moyen âge,
Les nobles valets et écuyers
Qui, à l'arrière, portent une arme,
Et, dans leur cœur, la fidélité.

Cela rappelle les croisades, les tournois,
L'amour et les services de la foi,
L'ère de la croyance, jamais imprimée,
Où aucun journal ne paraissait.

Oh oui! Le casque me plaît,
Il témoigne du plus fin des esprits!
Ce fut une idée royale,
Qui ne manque pas de pointe, ni de saillie!

Je crains seulement que, durant l'orage,
Une pointe pareille n'attire plus facilement,
Du ciel, le plus moderne des éclairs,
Sur votre chef, romantique et charmant!

Et s'il arrive que la guerre éclate,
Procurez-vous des casques moins lourds,
Car vos casques moyen-âgeux,
Sont très gênants, pour ceux qui courrent...

À Aix, sur l'écusson du bureau de poste,
J'ai retrouvé l'aigle, ce maudit oiseau
Que je hais tellement! Son regard,
Plein de poison, me guette d'en haut.

Ah, sale oiseau si tu me tombes
Un jour entre les mains,
Je te plumerai et te couperai
Les serres. C'est certain!

Alors, je te ferai placer
Bien haut, sur un mât
Et j'inviterai les arquebusiers rhénans
Pour tirer sur la cible de joie.

Le sceptre et la couronne seront
La récompense du vaillant qui te descendra!
Nous sonnerons une fanfare,
Et nous crierons: « Vive le roi! »

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