Petites gens

Text by Heinrich Heine (1797-1856)
Traduit en français par Joseph Massaad 

deutsch - english

Tout habillé, comme pour un mariage,
Dans un pot de chambre, il descend le Rhin;
A Rotterdam, une fois sur le rivage,
Il dit: " Belle, je viens demander ta main.

Je t'emmène, ma très belle et bien-aimée,
Dans la chambre nuptiale de mon château;
Son toit est recouvert de paille hachée,
Et les lambris sont faits de fins copeaux.

Tout dans mon château est net et joli,
Et, en reine, tu pourras y reigner.
Une coquille de noix sera notre lit,
Les draps seront tissés de fils d'araignée.

Et nous mangerons des œufs de fourmis
Frits au beurre et des rôts de pucerons;
Puis, de ma mère, j'hériterai aussi
Trois petit-fours, au goût si bon.

Je possède des dés à coudre pleins de vin,
Et du lard d'une excellente saveur;
Il pousse un navet dans mon jardin,
Ici tu vivras le parfait bonheur!"

Cette cour assidue l'enchante et l'attire.
" Ah! Seigneur, Seigneur! " soupira-t-elle
Mélancolique, au point à en mourir.
Puis, dans le petit pot s'embarque la belle.

Quels sont les héros de cette barcarolle?
Des chrétiens ou des souris? Je ne sais;
Mais j'ouïs conter cette histoire si drôle
A Beverland, voilà trente ans passés.