Tempête

Für die Liebe!

Text by Heinrich Heine (1797-1856)
Traduit en français par Joseph Massaad 
deutsch


La tempête gronde,
Et elle fouette l'onde,
Et les vagues se cabrent avec rage
En tours mousseuses, et déferlent, sauvages,
En montagnes d'eau blanche et écumante,
Et le petit bateau les surmonte,
Hâtivement, péniblement et aussitôt,
Il s’engouffre dans la profondeur noire et béante des flots.

Ô mer! Mer de la beauté,
Qui, de l'écume, s'est élevée,
Grand-mère de l'amour! Épargne-moi!
La phantomale mouette blanche voltige déjà,
À l'affut des corps noyés,
Elle aiguise son bec sur le mat, affamée,
Avide des cœurs qui ont résonné
De la gloire de ta fille,
Et que ton petit-fils, ce mal-appris,
A choisi comme jouet.

Mes prières et mes implorations sont vaines!
Mon appel se perd dans la tempête qui se déchaîne,
Dans le bruit battant du vent.
Des mugissements et sifflements et fracas et hurlements,
Comme une maison de sons aliénés!
Entretemps, j'entend clairement sonner
Des sons de harpe qui attirent,
Un chant sauvage de désir,
Qui se fond dans l'âme et qui la déchire à la fois,
Et je reconnais la voix.

Loin, sur la falaise de la côte d'Écosse,
Là où le petit chateau gris se dresse,
Et surplombe la mer enragée,
Là-bas, sur la fenêtre hautement voutée,
Se tient, souffrante, une belle dame,
D'une délicate transparence, comme de marbre, blême,
Et elle joue à la harpe en chantant,
Ses longues boucles trifouillées par le vent,
Et sa sombre chanson est transportée
Par le vent par dessus la vaste mer déchaînée.