Le coucher du soleil

Für die Liebe!

Text by Heinrich Heine (1797-1856)
Traduit en français par Joseph Massaad 
deutsch


Le soleil enflammé descend
Dans le monde marin, gris-argent,
Qui frisonne dans le lointain;
Tintés de rose, des ouvrages aériens
Flottent vers lui; de l'autre côté,
La lune tristement apparaît,
Avec une pâleur de mort au visage,
Sortant d'un voile de nuages,
Tintés par l'automne crépusculaire;
Et derrière elle, comme d'étincelantes lumières,
Les étoiles scintillent dans un lointain nébuleux.

Autrefois, unis par un mariage des plus sérieux,
La déesse lune et le dieux soleil
Brillaient ensembles dans le ciel,
Et les petites étoiles, pareilles à d'innocents enfants,
Les entouraient de leur fourmillement.

Mais de mauvaises langues semèrent la dissension,
Et cela finit par une inamicale séparation
De ce haut couple d'époux brillants du ciel.

À présent, durant le jour, le dieux soleil
Se lève là-haut, magnifique et solitaire;
Des hommes trempés de bonheur et fiers
Chantent ses louanges et prient.
Cependant, la nuit,
Dans le ciel rôde la lune,
Cette mère sans fortune,
Avec les étoiles, ses enfants orphelins,
Et elle luit dans un calme chagrin,
Et des poètes doux et des filles avec charme,
Lui consacrent leurs chansons et leurs larmes.

La tendre lune! À cause de son penchant féminin,
L'amour pour son bel époux n'a plus de fin.
Et, tremblante et blême, chaque soir,
Derrière les nuages, elle essaye de l'entrevoir,
Et elle regarde, affligée celui qui l'a quitté,
Et voudrais lui dire : « viens ! » avec anxiété,
«Viens! les enfants te réclament.»
Mais le dieu obstiné s'enflamme :
Dès qu'il aperçoit son épouse,
Sa couleur devient doublement rouge
De colère et de douleur,
Et, inflexible, il se hâte vers la profondeur
Froide et mouillée de son lit de célibataire.

Les mauvaises langues, par leurs racontars,
Furent cause de douleurs et d'avatars,
Même pour les dieux éternels.
Et les pauvres dieux, là-haut dans le ciel,
Rodent, inconsolable, l'âme pleine de tourments,
Dans les chemins sans fin du firmament;
Et sans même pouvoir trépasser,
Ils se voient obliger de traîner
Derrière eux leur brillante misère.

Moi par contre, planté sur cette terre
En tant qu'humain, capable de s'éteindre,
Je ne vais jamais plus me plaindre.