Pour rassurer

Text by Heinrich Heine (1797-1856)

Traduit en français par Joseph Massaad

deutsch


Nous dormons exactement comme Brutus dormait,
Mais lui se réveilla pour profondément plonger,
Dans le cœur de César, sa dague glacée;
Des tyrans, les Romains ne font qu'une bouchée.

Nous ne sommes pas Romains, nous fumons du tabac.
Chaque peuple a un goût, propre à soi,
Chaque peuple a sa grandeur;
Les boulettes souabes sont les meilleures.

Nous sommes des Germains, braves et débonnaires,
Notre sommeil, comme celui des plantes, est salutaire,
Au réveil, nous avons toujours soif, cependant,
Jamais soif du sang de nos princes régnants.

Comme le bois du chêne, nous sommes sincères,
Ou comme celui du tilleul, nous en sommes fiers;
Au pays du chêne, au pays du tilleul,
Il ne se trouvera jamais de Brutus, pas un seul!

Et même si un Brutus se trouvait parmi nous,
Il aurait beau chercher César, un peu partout,
En vain: Il ne le trouverait  jamais.
Nos pains d'épices sont parfaits.

Nous avons trente six Seigneurs,
( N'est-ce pas trop ? ) Et sur le cœur
Chacun porte son médaillon protecteur,
Les ides de Mars ne leur font pas peur.

Nous les appelons pères, et la patrie
Est le nom que nous donnons à ce pays,
Qui par hérédité appartient aux princes, sans doute;
Nous aimons aussi les saucisses dans la choucroute.

Quand notre père va se promener,
Nous lui tirons le chapeau, avec respect;
L'Allemagne, cette pieuse école d'enfants,
N'est pas une cave romaine de brigands