Die Nordsee - Erster Zyklus

Poséidon

Text by Heinrich Heine (1797-1856)

traduit en français par Joseph Massaad

deutsch


Les lumières solaires jouèrent
Sur la vaste et roulante mer;
Sur la rade dans le lointain brillait
Le bateau qui au pays devait m'emmener;
Mais comme il manquait de vent propulseur,
Je m'assis tranquille en bord de mer,
Sur une dune blanche solitaire.
Et je lus la vieille chanson qui demeure
Éternellement jeune, la chanson d'Ulysse,
Dans les feuilles de laquelle un souffle de mer se glisse,
Et me fit parvenir un souffle joyeux,
Le souffle des dieux,
Et du printemps de hommes qui brille,
Et du ciel de Grèce qui fleurit.

Mon noble cœur accompagna avec loyauté
Le fils de Laërte dans ses tribulations et épopées,
S'installa avec lui, l'âme troublée,
Aux foyers hospitaliers,
Où la pourpre est tissée par des reines,
Et l'aida à mentir et à se tirer sans peine
Des bras des nymphes et des caveaux de géants,
Le suivit en Crimée, toute la nuit durant,
Et durant tempêtes et naufrages effroyables,
Supporta avec lui une misère incroyable.

Je parlai avec un soupir: " Poséidon, tu es méchant,
Ton courroux est effrayant,
Et je ne peux qu'appréhender
La capacité d'un retour au foyer "

À peine ces mots furent-ils prononcés,
Que la mer se mit à écumer,
Et, à partir des vagues blanches, surgit en l'air,
La tête couronnée de roseaux, le dieu de la mer,
Et il prononça d'un ton railleur:
" Petit poète, n'aie pas peur!
Pas le moins du monde, je ne voudrais
Mettre ton pauvre petit bateau en danger,
Ni angoisser ta chère vie
Si, dangereusement, je vacille.
Car, petit poète, tu ne m'as jamais rendu furieux,
Tu ne m'as pas causé d'ennui, ne serait-ce que peu,
Durant la fête de Priam,
Tu ne permis à aucune flamme
De roussir le moindre poil de l'œil de Polyphène, mon fils,
Et Pallas Athénée, la déesse de la sagesse,
Ne t'a jamais protégé par ses conseils. "

Et avec un discours pareil,
Poséidon replongea dans la mer;
Et cette plaisanterie de marin grossière
Fit rire, au fond de la mer
Amphritite, cette grosse mémère
Ainsi que les stupides filles de Nérée.