Sire Olaf

Text by Heinrich Heine (1797-1856)
Traduit en français par Joseph Massaad 

deutsch - english

I

Deux hommes vêtus de rouge
Se tiennent devant l'église en fête,
Le premier des deux est le roi,
Tandis que l'autre est son coupe-tête.

Et le roi dit à son coupe-tête:
" Les prières vont bientôt finir,
Le chant des prêtre semble l'indiquer.
Tiens ta hache, prête à agir."

Les cloches sonnent, l'orgue résonne,
De l'église sortent les conviés:
Au mileu du cortège en fête,
Se trouvent les nouveaux mariés.

La fille du roi, pâle comme la mort,
Semble appeurée, l'âme en peine.
Par contre, Olaf sourit, joyeux,
L'allure hardie et hautaine.

Et il s'adresse au sombre roi,
Alors que ses rouges lèvres sourient;
" Je te salue, mon cher beau-père,
On me tranche la tête, aujoud'hui!

Aujourd'hui, je dois bien mourir,
Mais pourrais-je vivre jusqu'au matin,
Afin de célébrer mes noces,
Avec la danse et le festin?

Laisse-moi vivre, laisse-moi vivre,
Tant qu'il restera du vin,
Tant qu'il y aura de la danse,
Laisse-moi vivre jusqu'au matin! "

Et le roi s'adresse au coupe-tête:
" Je prorogue donc jusqu'au matin
L'exécution de mon beau-fils,
Tiens-toi prêt, la hâche dans la main. "

II

Sire Olaf, assis au festin
Boit sa dernière coupe de vin.
Sur ses épaules sa femme s'appuie,
Elle se lamente et elle gémit.
Le coupe-tête est à la porte.

La danse commence et, l'âme en flamme,
Sire Olaf enlasse sa jeune femme;
Sous les flambeaux aux mille feux,
Ils dansent: c'est leur danse d'adieux.
Le coupe-tête est à la porte.

Les violons résonnent si joyeusement,
Les flûtes soupirent si tristement!
Celui qui voit ce couple qui danse,
Soudain, est pris d'un chagrin immense.
Le coupe-tête est à la porte.

Sire Olaf, dans la salle résonnante,
Danse et murmure à son amante:
" J'ai tellement d'amour pour toi!
Dans le tombeau il fait si froid!
Le coupe-tête est à la porte.

III

Sire Olaf, le matin est là.
Ta dernière heure est venue!
Expie d'avoir osé séduire
Une fille de roi, sans retenue!

Les moines disent la prière des morts;
Le coupe-tête, dans son rouge manteau,
Tenant sa hache claire à la main,
Se tient devant le noir billot.

Sire Olaf descend vers la cour,
Où plusieurs lames et torches brillent.
Souriant de ses rouges lèvres,
Le chevalier doucement dit:

" Je vous bénis, soleil, lune,
Etoiles scintillant au ciel clair.
Je vous bénis, petits oiseaux,
Vous, qui gazouillez en l'air.

Je bénis la mer et la terre,
Et les fleurs dans la prairie.
Je bénis les violettes si douces,
Comme les yeux de ma chérie.

Yeux de violette de ma chérie,
Pour vous, il faut que je meurs!
Je bénis aussi le surreau,
Où elle me fit don de son cœur. "