Dialogue sur la lande de Paderborn

Text by Heinrich Heine (1797-1856)

Traduit en français par Joseph Massaad 

deutsch - english


Entends-tu au loin résonner,
Comme du violon ou violoncelle?
Là-bas, dans une ronde ailée,
Danse un essaim léger de belles.

« Eh! l'ami, tu dois te tromper!
Moi, je n'entends aucun violon.
J'entends crier des porcelets
Et j'entends grogner les cochons. »

N'entends-tu pas un cor sonner,
Des chasseurs, qui fêtent leurs prouesses?
Je vois de gais bergers flûter,
Je vois de doux agneaux qui paissent.

« Eh! l'ami, ce que tu crois ouir
N'est ni une flûte, ni un cor.
Je vois un porcher revenir,
Il rentre chez lui et pousse ses porcs. »

N'entends-tu pas cette mélodie?
On dirait un pâtre qui chante.
De ses ailes chaque ange applaudit,
Tant la musique les enchante!

« Eh! cette musique à l'air si fin
N'est pas un chant de pâtre, mon vieux!
Ce n'est que le chant des gamins
Qui poussent des oisons devant eux.»

N'entends-tu pas les cloches au son
Si merveilleux, si doux et clair?
Vers l'église avec dévotion,
Les fidèles vont dire leurs prières.

« Eh! l'ami, ce ne sont hélas!
Que les clochettes, en bon nombre,
Des bœufs et vaches qui, tête basse,
Regagnent leurs étables bien sombres!

Ne vois-tu pas un voile au vent?
N'est-ce pa là un signe discret?
C'est la bien-aimée qui attend,
Le regard triste, l'œil mouillé.

« Eh! ce n'est pas Lise, mon ami,
La femme des bois, celle qui sautille,
Toute maigre et pâle sur ses béquilles,
Et qui chemine dans la prairie. »

De toutes mes fantasques questions,
Ris, mon ami, je le veux bien!
Mais, peux-tu croire comme illusion,
Ce que je porte au fond du sein?