Enfant perdu

Text by Heinrich Heine (1797-1856)

Traduit en français par Joseph Massaad 

deutsch


Sentinelle perdue dans la guerre pour la liberté,
J'ai résisté fidèlement depuis trente ans.
Et c'est sans espoir de vaincre que j'ai lutté,
Je savais que je ne rentrerais pas sauf à la maison.

Nuit et jour, je surveillais - Je ne pouvais dormir,
Comme le tas de copains sous la tente du camps -
(Et si je commençais à m'assoupir,
J'étais réveillé par leurs puissants ronflements).

Durant ces nuits, l'ennui m'a souvent agressé,
Et la peur, aussi - (Seuls les sots n'ont pas peur).
Alors, pour les chasser, j'ai siffloté
Les rimes effrontées d'un poème satire.

Oui, je me maintenais bien éveillé, l' arme à la main
Et s'il s'approchait de moi n'importe quel suspect canaille,
Alors je tirais et lui envoyait bien,
Une salve bouillante dans les entrailles.

Entre-temps, il pouvait bien se passer,
Que la canaille en question sache bien tirer -
Ah! Je ne pourrais point nier
Que les blessures étaient béantes, que mon sang a coulé.

Un poste est vacant! - Les blessures béantes sont à nu -
Il y en a un qui tombe et les autres se rétractent -
Mon cœur se brise, même si je reste invaincu
Et que mes armes demeurent intactes.