Anno 1839

Text by Heinrich Heine (1797-1856)
Traduit en français par Joseph Massaad 

deutsch - english


Ô, Allemagne, mon amour lointain,
En pensant à toi, je peux presque pleurer!
La vie France me semble pleine de chagrin,
Et le gai peuple commence à m'incommoder.

Il n'y a que la froide et sèche raison
Qui règne dans le spirituel Paris.
Les folles croyances, les fantaisies sont
Des sons qui résonnent si doux, au pays!

Les hommes sont polis! C'est pourtant contrarié,
Que je retourne leurs salutations polies.
Mon bonheur aura été cette rusticité
Dont je jouissais, jadis, dans ma patrie!

Les femmes sont riantes! Elles jacassent sans cesse,
Comme des roues de moulins, sans s'arrêter!
Toutes mes louanges à ces Allemandes maîtresses,
Qui se mettent au lit, sans parler.

Et ici, tout tourne en un cercle de pagaille,
À corps perdu, comme dans un rêve insensé!
Chez nous, tout reste joliment sur les rails,
Comme cloué sur place, sans remuer.

Il me semble entendre tinter, loin d'ici,
Douces et intimes, des cornes de veilleur de nuit;
J'entend les chants des veilleurs de nuit,
Et, entre-temps, celui des rossignols aussi.

Le poète se sentait bien à l'aise, au pays,
A Schilda, dans son cher bosquet de chênes!
Avec un parfum de violettes, une lune qui luit,
J'y composais mes plus doux poèmes.