La demi-lune épie, toute pâle

Text by Heinrich Heine (1797-1856)
Traduit en français par Joseph Massaad 

deutsch - english


Derrière les nuages d'automne,
La demi-lune épie, toute pâle;
Sur le cimetière, en solitaire,
Se dresse la maison curiale.

La mère lit dans sa Bible,
Le fils a le regard figé,
L'ainée tombe de sommeil,
La cadette se met à parler:

Ah Seigneur, ce que la vie
Peut ête monotone dans ce coin!
On n'arrive à se divertir,
Que quand on enterre quelqu'un.

La mère répond tout en lisant:
Tu as complètement tort,
Depuis que l'on enterra ton père,
Il n'y a eu que quatre morts.

L'ainée dit en baillant:
C'en est fini de cette misère,
Demain, je visite le comte,
Il est riche et je lui suis chère.

Le fils éclate de rire et dit:
Au bistro, se soûlent trois chasseurs,
Ils gagnent de l'or et veulent bien
M'apprendre ce secret, qui est leur.

La mère lui lance la Bible,
Au visage maigre, avec fureur:
Espèce de maudit misérable,
Tu deviens un commun voleur!

Ils entendent taper à le fenêtre,
Et voient, faisant un signe, une main;
Dehors, en habit de prêcheur,
Le père défunt se tient.