Atta Troll. Songe d'une nuit d'été

Text by Heinrich Heine (1797-1856)
Traduit en français par Joseph Massaad 

Caput VI - deutsch

Avant-propos | I | II | III | IV | V | VI | VII | VIII | IX | X | XI | XII | XIII | XIV | XV
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Mais peut-être serait-il salutaire,
Pour l'homme qui constitue ici-bas
Le plus haut niveau animal, de savoir
Ce qui se raisonne en bas.

Oui, en bas, dans les sombres
Et misérables sphères de la société,
Dans les basses couches du monde animal,
Couvent misère, rancœur et fierté.

Le naturel et historique, qui depuis toujours
Faisait partie des droits acquis,
Et qui subsistait depuis des millénaires,
Est dénié avec effronterie.

C'est à une malveillante hérésie,
Que les anciens incitèrent
La jeunesse, et qui menace
La culture et l'humanité sur terre.

« Mes enfants! » gronde Atta Troll,
Et il se frotte un peu partout
Sur son lit dépourvu de tapis.
« Mes enfants! l'avenir est à nous!

Si chaque ours pensait comme moi,
Et chaque animal, également,
De toutes nos forces unies,
Nous combattrions les tyrans.

Le sanglier s'accorderait
Avec le cheval et l'éléphant
Poserait sa trompe autour des cornes
Du brave taureau, fraternellement;

Ours et loup de tous poils,
Bouc et singe, et le lièvre aussi,
Agiraient un moment ensembles,
Et la victoire nous serait garantie.

L'unité, l'unité est le premier impératif
Du temps. Séparés, nous serions asservis
Mais, nous duperons nos despotes,
Une fois que nous sommes unis.

Unité! unité! nous vaincrons !
Nous abattrons le régime méprisable
Du monopole! Et nous fonderons
Un royaume animal équitable !

La loi de base serait l'égalité totale
De toutes les créatures du Seigneur,
Sans différence de croyance,
Sans différence de peau ou d'odeur.

Stricte égalité! Que chez les ânes
La plus haute fonction soit permise à chacun,
Que par contre le lion
Trotte avec le sac jusqu'au moulin.

Quant au chien, il est
Un roquet servile, c'est certain,
Car depuis des millénaires,
L'homme l'a traité en chien;

Mais dans notre libre état.
Nous lui rendrons ses vieux droits,
Qui sont inaliénables,
Et bientôt, il s'anoblira.

Oui, oui, même les Juifs doivent
Jouir de leurs pleins droits,
Et, pareils à tous les autres mammifères,
Etre soumis à la même loi.

Aux Juifs il ne sera interdit
Que la danse sur les marchés;
C'est dans l'intérêt de mon art
Que cet amendement est fait!

Car il manque à cette race
Le sens du style et de la plastique
Stricte dans les mouvements.
Ils gâtent le goût du public. »

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