Atta Troll. Songe d'une nuit d'été

Text by Heinrich Heine (1797-1856)
Traduit en français par Joseph Massaad 

Caput IV - deutsch

Avant-propos | I | II | III | IV | V | VI | VII | VIII | IX | X | XI | XII | XIII | XIV | XV
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Roncevaux, ô noble vallée!
Quand j'entends ton nom sublime,
La fleur bleue, qui s'est éclipsée,
Tremble dans mon cœur et le parfume!

Un monde de rêves s'élève brillant,
Après une immersion de milliers d'années,
Et les grands yeux des fantômes
Me regardent, et je suis épouvanté!

Des cliquetis et des déferlements!
Les Sarrasins luttent contre les chevaliers Francs;
Qu'ils sont désespérants et épuisants,
Ces appels de la corne des bois de Roland!

Dans la vallée de Roncevaux,
A la brèche de Roland, ou non loin,
Ainsi appelée, car le héros,
Afin de se frayer un chemin,

Utilisant son excellante épée Durandal,
Frappa avec une mortelle furie
Dans la roche, si bien que les traces
Sont visible, même aujourd'hui.

Là-bas, dans un obscur ravin rocheux,
Dominé de partout de sapins farouches,
Se trouve la tanière d'Atta Troll,
Où, en profondeur, elle se cache.

Il se repose de l'effort dû à sa fuite,
Là-bas, dans le giron familial,
Ainsi que du labeur des représentations
Et de sa randonnée mondiale.

Douces retrouvailles! Il retrouva
Les jeunes dans la tanière bénie,
Où il les procréa avec Mumma:
Quatre fils et deux filles.

Des demoiselles ours, tirées à quatre épingles,
Les cheveux blonds, comme des filles de pasteur;
Les gamins sont bruns, uniquement le cadet,
Avec une seule oreille, est noir de couleur.

Ce cadet était la joie de vivre
De sa mère, qui un jour,
En jouant, lui mordit une oreille,
Qu'elle dévora, par amour.

C'est un jeune vraiment génial,
Très doué pour la gymnastique,
Et il fait la culbute comme Maßmann,
Le professeur d'éducation physique.

Le produit d'une formation autochtone,
Ce n'est que la langue maternelle qu'il aime,
Il n'a jamais voulu apprendre le jargon
Des Romains, ou celui des Hellènes.

Frais et libre, docile et joyeux,
Il déteste tout ce qui est savon,
Ce luxe du développement moderne,
Le professeur Maßmann a la même opinion.

Le gamin est plus génial que jamais,
Quand il grimpe cet arbre élevé,
Qui, du profond ravin, se dresse,
Tout le long du mur rocheux le plus escarpé,

Et qui s'élance jusqu'à la coupole,
Où, la nuit, la tribu toute entière,
Intimement, dans la fraîcheur du soir,
Se réunit autour du père.

C'est alors que le vieux volontiers raconte,
L'expérience qu'il a eu dans sa vie,
Et combien des personnes et de villes,
Il a jadis connu, il a jadis subi,

Pareil au noble Laërte,
Mais, à la différence de celui-ci,
Que son épouse, sa Pénélope noire,
Voyagea avec lui.

Atta Troll fit également part
Des applaudissements fantastiques,
Qu'il récolta jadis des hommes,
Durant ses danses artistiques.

Il assure que jeunes et vieux,
En jubilant, l'avaient admiré,
Alors, qu'au son doux de la cornemuse,
Il dansait sur les marchés.

Et, en bonnes et douces connaisseuses,
Les dames, tout particulièrement,
Lui lançaient des œillades, pleines de grâces,
Et applaudissaient avec empressement.

O, la vanité des artistes!
Le vieil ours danseur, complaisant,
Pense à l'époque où, devant le public,
Il étalait son grand talent.

Vaincu par sa propre griserie,
De ce fait, il veut faire savoir,
Qu'il n'est pas un pauvre crâneur,
Qu'il est vraiment un danseur notoire.

Et il saute soudain en l'air,
S'installe sur les pattes arrières,
Et il danse, comme par le passé,
La gavotte, sa danse préférée.

Les jeunes oursons regardent,
Muets, les museaux grand ouverts,
Les prodigieux sauts, par ci, par là,
Dans le clair de lune, de leur père.

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