Atta Troll. Songe d'une nuit d'été

Text by Heinrich Heine (1797-1856)
Traduit en français par Joseph Massaad 

Caput XXVII - deutsch

Avant-propos | I | II | III | IV | V | VI | VII | VIII | IX | X | XI | XII | XIII | XIV | XV
XVI | XVII | XVIII | XIX | XX | XXI | XXII | XXIII | XXIV | XXV | XXVI | XXVII

( A Auguste Varnhagen von Ense )

Pour l'amour du ciel, Maître Ludovico,
D'où avez-vous donc déniché
Toutes ces choses dingues? Ces mots,
Ce fut le Cardinal von Este qui les a prononcés,

Après avoir lu le roman
De la frénésie de Roland
Qu'Arioste a dédicacé
A son Eminence, avec humilité.

Oui, Varnhagen, mon vieil ami,
Sur tes lèvres, je vois bien
Presque les mêmes mots planer,
Ainsi que le même sourire, si fin.

Tu ris parfois, même en lisant!
Et parfois aussi, suivant ce rire,
Ton haut front se plisse sérieusement,
Et tu es envahi par le souvenir:

Ceci ne ressemble-t-il pas à des rêves
De jeunesse que j'avais rêvé
Avec Chamisso, Bretano et Fouqué,
Durant des nuits aux clairs de lune bleutées?

N'est-ce pas là le pieux son
De la chapelle perdue des bois?
Et, entre-temps, le marotte bien connue,
Ne sonne-t-elle pas d'un air narquois?

Le grognement sourd et courroucé de l'ours
S'abat sur le chœur des rossignols,
Suivi par un chuchotement de fantômes,
A tour de rôle!

Une folie qui prend une allure sage!
Une sagesse qui va en s'affolant!
Des soupirs de morts qui se transforment
En éclats de rires, soudainement!

Oui, mon ami, ce sont les sons
Du temps des rêves, disparu depuis longtemps;
Sauf, qu'à travers les anciennes notes toniques,
Des trilles modernes se faufilent souvent.

Malgré l'exubérance, tu te sentiras,
De temps en temps, découragé -
Ce poème rend hommage
A ton indulgence, bien éprouvée!

Hélas, du libre et champêtre romantisme,
Ce sera, peut-être, le dernier des chants!
Dans le vacarme de la lutte et de l'embrasement,
Il se perdra au loin, misérablement.

D'autres oiseaux, en d'autres temps!
D'autres oiseaux, d'autres chants!
Quel caquetage, comme d'oies, dont le rôle
Fut de sauver le Capitole!

Quel gazouillement! Ce sont des moineaux
Ayant, dans les griffes, de petites lumières
Ils se comportent comme l'aigle de Zeus,
Se comporta jadis avec le coup de tonnerre!

Quel roucoulement! Des tourterelles
Rassasiées d'amour, elles veulent haïr,
Et dorénavant, au lieu de Vénus,
C'est le char de Bellone qu'elles tirent!

Quel tapage, bouleversant le monde!
Ce sont bien les énormes
Hannetons du printemps,
En proie à une furie sans bornes!

D'autres oiseaux, en d'autres temps!
D'autres oiseaux, d'autres chants!
Si j'avais d'autres oreilles,
Ils me plairaient, probablement!

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