Atta Troll. Songe d'une nuit d'été

Text by Heinrich Heine (1797-1856)
Traduit en français par Joseph Massaad 

Caput XIV - deutsch

Avant-propos | I | II | III | IV | V | VI | VII | VIII | IX | X | XI | XII | XIII | XIV | XV
XVI | XVII | XVIII | XIX | XX | XXI | XXII | XXIII | XXIV | XXV | XXVI | XXVII

De hautes montagnes violettes rient
Sur un fond ensoleillé et doré,
Et sur la pente, un petit village s'accroche,
Comme un nid d'oiseau, avec témérité.

Ayant grimpé là-haut, je trouvai
Que les adultes s'étaient envolés,
Et qu'il ne restait sur place
Que la jeune nichée, qui ne pouvait voler.

Des beaux gamins, des petites filles,
Presque enfouis dans leurs bonnets
De laine rouge écarlate ou blanche,
Jouaient aux mariés sur la place du marché.

Ils ne se laissèrent pas déranger dans leur jeu,
Et je vis comment le prince des souris amoureux,
Se mit à genoux avec un solennel émoi,
Devant la fille de l'empereur des chats.

Pauvre prince! Il épouse la belle,
Elle le gronde avec morosité,
Et elle le mord, et elle le dévore,
Le prince est mort, le jeu est terminé.

Je demeurai presque toute la journée
Avec les enfants, à bavarder
Très intimement. Ils voulaient savoir
Qui j'étais et ce que je faisais?

Chers amis, dis-je, l'Allemagne
Est le pays où je suis né;
Il s'y trouve des ours en quantité,
Et je devins chasseur d'ours, de métier.

Je tirai la peau de par dessus
Plus d'une oreille d'ours.
Entre-temps, je fus moi-même
Sérieusement déchiré par des griffes d'ours.

Mais finalement, je devins las
De me chamailler toute la journée,
Dans ma chère patrie,
Avec des malotrus mal léchés.

Et je suis venu ici pour chercher
Un meilleur terrain pour chasser;
C'est contre le grand Atta Troll
Que ma force va se mesurer.

Ce dernier est un adversaire noble,
Digne de moi. Hélas, il y eut des bagarres
En Allemagne, durant lesquelles,
J'eus honte de mes victoires!

Tandis que je prenai congé,
Les petites créatures avec un air de fête,
Dansèrent une ronde autour de moi,
En chantant: « Girofflino, Girofflette! »

Hardie et gracieuse, la plus jeune des filles
S'avança finalement devant moi,
Fit deux, trois, quatre revérances,
Et chanta de sa belle voix:

« Je fais deux révérances,
Quand le roi me rencontre,
Et quand la reine me rencontre,
J'en fais trois, par contre.

Mais si le diable croise mon chemin,
Avec des cornes sur la tête,
Je fais deux, trois, quatre révérences,
Girofflino, Girofflette!

Girofflino, Girofflette!
Le chœur se répéta taquin,
Et autour de mes jambes, la ronde
Tourbillonna avec son gai refrain.

En descendant vers la vallée, j'entendis
Résonner vers moi, constant, beau
Et se perdant au loin: « Girofflino, Girofflette! »
Comme un gazouillement d'oiseaux.

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